mardi 29 septembre 2009

Des lecteurs nécrophiles?

Juste un petit billet d'humeur.
Chaque fois que ça arrive, qu'on me demande si «vous avez des livres de Nelly Arcan» , je me questionne, je sens un petit malaise, quelque part entre le ventre et la poitrine. Pourquoi veut-on lire tout à coup les livres d'un mort, d'une morte?
Les livres de Nelly Arcan étaient-ils inintéressants il y a une semaine? Vont-ils disparaître demain? Avec tout le battage publicitaire qu'il y avait à chaque sortie de ses livres, à chacune de ses apparitions télévisées, si un lecteur potentiel était intéressé, je veux dire intéressé pour de vrai à ses livres à la prose dévastée, comment n'avait-il pas encore trouvé le temps de lire ses livres?
Et si non, si pas intéressé, pourquoi la lire maintenant?
Avouez que ça ressemble bien à un intérêt morbide. Oserai-je le dire — cannibale.

vendredi 25 septembre 2009

Brèves brisées.

La «rentrée», c’est quand plein de livres «sortent». Étonnant, non?

«Libraire doit être un métier physiquement éprouvant.» C’est pas moi qui le dis, c’est Didier Fessou. Comme quoi.

L’Énigme du retour, de Dany Laferrière, est paru depuis une semaine, dix jours. Il est déjà en réimpression. Qu’est-ce que ce sera s’il gagne un de ces fameux prix?

Avec l’arrivée des ouvrages de Sénécal, Beigbeder, Nothomb, Ruiz Zafón, Laferrière, Larue, etc. la tranquillité en librairie, si tranquillité il y avait, est terminée.

C’est peut-être la même chose partout dans le monde, je ne sais pas, mais beaucoup de traducteurs et/ou (éslashou) éditeurs français ont un petit problème avec la traduction des titres. Le premier tome de la série vampiresque de Melissa de la Cruz est intitulé Blue Bloods dans la langue de Shakespeare. En français? Les vampires de Manhattan. Et pourquoi pas, en effet? Là où ça se gâte, c’est quand le deuxième opus (Masquerade) s’appelle Les sang-bleu dans la langue de Molière. Pourquoi faire compliqué quand on eût pu faire encore plus compliqué?
Un truc semblable est arrivé à Alfred Hitchcock. Secret Agent (Quatre de l’espionnage dans la langue de De Funès), Sabotage (traduit Agent Secret) et Saboteur (devenu Cinquième colonne). Imaginez quand il n’y avait pas wikipedia pour démêler tout ça!

Ulysse, personnage de l’Iliade, héros de l’Odyssée, a passé vingt ans en exil avant de rentrer enfin dans sa patrie. Ulysse Distribution, un éditeur et distributeur spécialisé dans le livre de voyage, porte donc un nom bien choisi. La situation s’est corrigée ces dernières années mais, pendant longtemps, ils ont été le distributeur avec le plus petit délai pour les retours (six mois). Amusant paradoxe, non? Imaginez Pénélope attendre 180 petits jours pour commencer de folâtrer avec l’un ou l’autre de ses prétendants... Me semble qu’ils devraient respecter l’oeuvre d’Homère et nous donner un droit de retour de 20 ans, non?

«Y’a trop de Troyat. J’ai p’us de Péju. On a eu trop de Naruto. Vendetta ? On en vend des tas» — ‘scusez-la.

Citation du jour : « Quoi? Vous venez de découvrir que la narratrice de Folle est une femme seule et suicidaire. Bravo! Vous êtes mûrs pour un doctorat en littérature. » (Pierre Cayouette, sur son blogue à L’Actualité.)

mardi 15 septembre 2009

Livraisons et sentiments


«C'est quand qu'on va où?» — Renaud

L’un des mystères les plus poignants du monde du livre, du monde tout court même, est la date de sortie des livres. Une partie non négligeable de notre temps de travail est consacrée à répondre à cette question : quand est-ce qu’il sort le livre de Untel? La réponse est facile : on n’en sait trop rien. Aucune idée. Chépas. Dis-moi-le, m’en vas te le dire.

Comment ça se fait, se peut-il? Même réponse, à peu près. Dans le «comment ça se passe au juste», je commencerai par les exceptions. Parfois, rarement, on sait quand sort un livre. On connaît la date précise, longtemps d’avance. Pour un nouveau tome d’Harry Potter, par exemple.
Mais où vous en allez-vous donc? Je n’ai pas dit qu’il allait y avoir un nouveau H.P., c’était juste un exemple, c’est pour montrer la rareté de.
Sinon, il y a bien sûr moyen de savoir, plus ou moins. Plus ou moins moyen, de savoir plus ou moins. Chez le distributeur, quelque part dans le ventre d'une bête à puces, il y a la date de sortie d’un livre. Autrefois, on pouvait téléphoner (on peut sans doute encore, il y a longtemps que je n’ai pas essayé); de nos jours, on peut aller voir sur le site internet. Mais là, problème : certains distributeurs ne mettent pas leur base de données à jour très souvent. Je ne leur en fait pas le reproche; l’informatique étant un monstre imprévisible qui se nourrit de son propre cadavre, tout arrive toujours trop vite. Une base de donnée ne tombe pas du grand bleu; la mettre à jour constamment c’est long, c’est compliqué, c’est cher. Mais nous, libraires, on dépend de. Début juillet, par exemple, L’Élégance du hérisson était annoncé sur le site du distributeur comme «à paraître le 25 juin». Voilà un bel exemple d’une base de données qui n’est que mollement utile.
Même quand elle est mise à jour, l’information reste au mieux suspecte. Quelle est cette date, au juste? Celle de la facture? Donc, comptons un jour ou deux de plus pour que la boîte arrive chez le libraire.
Il y a bien un «catalogue» électronique, j’ai nommé Memento. Un site internet pour les libraires qui nous donne presque tous les livres disponibles, à paraître, et plusieurs épuisés. Mais ses infos viennent pour la plupart des distributeurs… Parfois vous avez la date européenne au catalogue, parfois la date canadienne. Un beau ragoût de flou et de confusion.
Il y a aussi les distributeurs qui n'envoient pas les nouveautés partout en même temps. Je ne résiste pas à l'envie d'en nommer un: Messageries de Presses Benjamin.
Quant à l’heure d’arrivée… ce n’est pas juste pour finasser que j’en parle. Imaginez un lecteur, un client, impatient de recevoir le prochain Anne Robillard. On lui dit qu’il sort le 15 octobre, disons. Ça veut dire qu’il débarque du camion ce jour-là. (Le livre, pas le client.) Mais qui connaît le trajet du livreur? Et s’il arrive à 15 heures, qui dit qu’on aura le temps de placer le Anne Robillard ce jour-là? Trop souvent trois quatre envois d’office (les nouveautés) soient livrés le même jour. Quelle librairie peut assumer cette avalanche? Au mieux, on mettra quelques heures, une journée pour que tous ces livres se retrouvent à portée de client. Au pire, ça pourrait prendre quelques jours. Alors si le client impatient a un avion à prendre le 15 avec son Chevalier d'émeraude tome n, et bien c'est patate.

Si je ne me trompe pas, c’est différent dans le monde du disque et du DVD. C'est moi, ou tout sort le mardi? Je crois même que si vous allez le mardi, à l’ouverture, chez un disquaire, vous trouverez plusieurs des nouveautés du jour bien placées, ou en voie de l'être. Mais, toujours si mes informations sont exactes, les CD et DVD sont parvenus chez le disquaire deux trois jours avant, pour lui donner le temps de se virer de bord. Créer la fiche informatique, faire la réception d'inventaire, toutes ces sortes de choses. Cela arrive aussi en librairie, mais pas très souvent. Quand il y a un nouveau Harry Potter, par exemple.

Ce n’est pas le problème du siècle, sans doute; toutefois, trop souvent cette situation nous fait mal paraître. Ce n'est pas drôle d'avoir toujours l'impression d'être le dernier à savoir, genre «cocu du village».

vendredi 11 septembre 2009

La rentrée: retour sur, et précision(s).

Où un qui se croyait sceptique se demande s'il n'est pas plutôt naïf.

Pierre Assouline signe un fort intéressant texte dans Le Monde du 10 septembre: Petite typologie des «invisibles». Les «invisibles» en question étant tous ces livres dont personne ne parlera: «Appelons-les "les invisibles". Ce sont les oubliés de la rentrée. Ceux que nul ne verra et dont nul ne parlera. Ils constituent le gros du bataillon des 659 auteurs de l'automne. On peut aussi les appeler "les inaudibles" : ils sont un demi-millier environ dont la voix se perdra dans les limbes de la librairie et des médias. On le sait à l'avance, mais cela ne les décourage pas, chaque année à la même époque, de se précipiter en masse vers ce guichet-là.»

Cela fait écho à mon billet du vendredi 28 août, où je me plaignais un peu de l'aspect tempétueux de la rentrée littéraire. Mais il y a une question secondaire qui me turlupine, c'est celle des livres qui resteraient dans les boîtes. Appelons ça la «légende de l'arrière-boutique». Assouline en parle dans son texte: «tous ne sont pas sortis des caisses, tous ne sont pas rangés en rayon, tous ne sont pas exposés sur la table». Une amie facebook de la librairie en parlait aussi, à l'occasion de mon billet qui disait un gros bof! à la rentrée.

Les légendes urbaines se propagent en grande partie grâce à la naïveté de leur public. Mais peut-être après tout suis-je le naïf dans cette histoire. Peut-être y a-t-il des librairies qui peuvent se permettre de recevoir des livres (qu'il vont devoir payer, faut-il le souligner) et de les laisser dormir dans des caisses. Le plus empoté des gestionnaires sait qu'il valait mieux ne pas les commander pour commencer.

Peut-être, peut-être, la légende vient-elle d'un auteur qui, ne voyant son livre ni «exposé sur la table», ni «rangé en rayon», a conclu qu'il était resté dans sa caisse. Mais voilà une autre explication: le libraire n'en a peut-être pas commandé! Sur 659 nouveautés au rayon roman français, combien une librairie «normale» peut-elle espérer en commander, recevoir, informatiser, étiquetter et placer? (J'allais oublier: vendre.) Alors si vous êtes un auteur méconnu, peut-être certaines librairies ont-elles préféré ne pas commander d'exemplaires de votre livre.

C'est triste? Oui. Le libraire est-il ainsi coupable de négligence envers l'auteur-méconnu- qui-aurait-bien-eu-besoin-de-ses-encouragements? Je prêche sans doute pour ma paroisse, mais je suis convaincu que non. Nous sommes d'accord sur le principe: les «petits» livres méritent leur place. Mais 659 livres, petits ou gros, c'est trop. Alors il arrive qu'on doive faire de douloureux choix; en fait, l'achat des livres en général et des nouveautés en particulier est pour le libraire une longue série de douloureux choix. Sans oublier que nous ne sommes que l'avant-dernier maillon d'une chaîne. Jusqu'à quel point l'éditeur, le diffuseur, le représentant croyaient-ils en ce livre-ci? Combien le distributeur québécois en a-t-il reçu de copies? Etc.

S'il y a une seule chose que j'ai apprise dans mes cours de philo du CÉGEP, c'est celle-ci, qui était mieux exprimée à l'époque par le prof dont j'ai oublié le nom: si tu veux prouver qu'une chose existe, tu n'as qu'à en montrer un exemple, mais si tu veux prouver qu'elle n'existe pas, il va falloir que tu regardes partout pour être sûr qu'elle n'est pas cachée sous un tapis, réel ou conceptuel. Je ne me risquerai donc pas à dire qu'il n'y eut jamais de livres restés dans les caisses d'une arrière-boutique. Mais disons qu'en douze treize ans de fréquentation de l'envers du décor librairiesque, je n'ai rien vu de tel. Il est vrai que je n'ai que deux librairies sur mon CV. Tout de même, jusqu'à preuve du contraire, je considérerai que le «livre dans la caisse» est comme le chat que la vieille dame a voulu faire sécher dans le micro-ondes.

mardi 8 septembre 2009

Le théorème d'Auster

Un autoportrait.

(C'est une longue: plus de 1200 mots. C'est si facile parler de soi! Narcisse doit se retourner dans sa tombe en miroirs...)


Toujours fasciné par les questions concrètes, je me propose de commencer aujourd’hui à répondre à ces questions de détail : Qui sommes-nous? D’où venons-nous? Et où (n’) allons-nous (pas)? Par nous j’entends, bien sûr, les libraires.


Dans une série de portraits dignes d’un prix Pulitzer du pauvre, je tenterai de raconter, en gros, ce qui s’est passé pour qu’on en arrive là. Je suis tenté de dire : qu’est-ce qui n’a pas marché? Pas pour nous plaindre, non, mais il faut bien le dire : libraire est rarement un métier qu’on choisit en premier. Au Québec, du moins, où il n’y a pas (encore) de programme d’étude ni d’attestation. Ni rien.


On vient de quelque part, on pense aller ailleurs, on échoue dans une librairie. J’exagère? Juste un peu. Qu’avons-nous, libraires, en commun? L’amour des livres? Mais encore? Qui sommes nous après cinq heures (façon de parler)? Un libraire, qu’est-ce que ça mange en été?


Dans un souci de marketing extrême (on se refait pas), je commence aujourd’hui en faisant mon autoportrait. Double promotion, donc. De un, je fais mon propre éloge. (Pas que j’en aie besoin particulièrement, y a-t-il encore beaucoup de gens chez les Civilisés qui ne savent pas à quel point je suis génial?) De deux, et plus utilement, je vends l’idée de ces portraits à mes collègues. Quand ils verront que ça fait pas trop mal, ils accepterons que je fasse le leur. Je sais, je pourrais commettre des portraits non autorisés (j’y ai pensé), mais je ne cherche pas plus que mon dû de trouble. On peut très bien être célèbre et haï.



Qui suis-je (comme libraire, et en civil)?

Comme lecteur j'ai des goûts assez éclectiques, mais depuis quelques années je lis moins d'essais, de théâtre, et même de fiction «générale» pour me concentrer surtout sur deux genres à priori assez éloignés: poésie et polar. Le polar, pour son délicieux mélange de violence et de logique, pour cette espèce de pensée dramaturgique en action. Sa catharsis (rien à voir avec le 5 à 7*). La poésie? Malgré toutes les «raisons rationnelles» que je pourrais donner en parlant de l'être et du langage, ou de l'enfant qui questionne ses fondements (ceux du langage) en expérimentant une expression fondamentale, ou autres concepts pleins de vérité, si j'aime la poésie c'est pour sa musique. La poésie dit des choses, veut dire quelque chose, mais surtout elle fait de la musique.


Ce sont là d'ailleurs les deux genres que je pratique ou que j'aimerais pratiquer. C'est-à-dire que j'écris de la poésie avec plus ou moins de régularité et de motivation; j'en ai publié un peu, même si ça commence à faire longtemps (quelques textes en revue, un livre en 2002). Côté polar, c'est plus dur. J'ai une histoire, un plan, des personnages... et dix-huit pages écrites depuis un an. Il faut dire que je travaille fort à trouver des occupations pour me détourner de l'écriture proprement dite. Apprentissage très irrégulier d'un instrument de musique (la dernière fois, c'était le piano), enregistrement de mes poèmes pour en faire un hypothétique CD, bricolages de toutes sortes, etc. Cinéphile. Mélomane maniaque (jazz, un peu de chanson, jazz, un peu de blues, jazz, un peu de rock pas très récent, jazz, un peu de musique du monde). Amateur de baseball: si j'avais le câble, je passerais l'été devant RDS.

J'oubliais: j'aime les livres sur la boxe.


D'où je viens (comme lecteur)?

S’il y a un cliché qui m’énerve sur les quatrièmes de couvertures, c’est celui qui veut que Untel «a toujours aimé les livres» ou qu’il a «toujours écrit». Depuis qu’il est tout petit, Untel est un grand écrivain. De la crotte de taureau. Mais au moment d’écrire ce qui suit , je le comprends mieux (Untel). Depuis que je suis tout petit, j’adore les livres. Voilà, je l’ai dit, ça soulage. Petit, je lisais presque juste de la BD, les séries classiques (pour l’époque) que mon père achetait : Tintin, Astérix, Gaston Lagaffe, Achille Talon, Spirou, Iznogoud. Quelques autres. Ado, je ne lisais pas beaucoup de romans. Je me souviens de Drames à Valcartier, dans la collection «signe de piste», écrit par un ado québécois, François Pichette. (Je serais curieux de savoir ce qu’il est devenu comme auteur. Peut-être qu’il savait faire autre chose qu’écrire et qu’il est devenu médecin ou avocat?) J’avais adoré ce livre et après l’avoir relu dans la jeune vingtaine, je trouvais qu’il tenait bien la route. Il doit traîner quelque part.


Sinon, je lisais des Columbo et des Bob Morane que j’empruntais à la bibliothèque des Sœurs de la Charité de Saint-Louis. (Il n’y avait pas de bibliothèque municipale à Pont-Rouge à cette lointaine époque.) Comme on le voit, tous les chemins mènent à la poésie. Mais à partir du moment où j’ai lu Le monde selon Garp, à l’été 1985, ma vie a changé, j’ai su ce que je voulais faire.


Non, pas libraire. Écrivain. Mais au lieu d’étudier en littérature et d’assumer ce désir d’un destin littéraire, ce que toute personne sensée aurait fait, j’ai viraillé autour du pot à m’en étourdir. J’ai étudié l’histoire, l’informatique, travaillé comme programmeur, étudié l’espagnol, chômé. Puis (je vous fais grâce de mille autres détours) je suis devenu libraire. Au fond, c’est ce que tout ce temps là je cherchais, sans le savoir. Être au beau milieu des livres. Les regarder, les toucher, en lire quelques passages. En parler, parfois même à quelqu'un que ça intéresse.

(Chez Pantoute nous accordons beaucoup d'importance aux conseils personnalisés. Ce n'est pas de la crotte de taureau: avec l'équipe qu'on a on tente de couvrir le plus de terrain possible. La plupart du temps, on y arrive assez bien. Mais bon, je ne dis pas qu'on soit les seuls dans ce cas.)


Où est-ce que je m'en vais comme ça?

Côté cour, je passe de moins en moins de temps «sur le plancher», pas parce que je porte plus à terre, mais parce que mon activité comme édimestre du site de la librairie me demande de plus en plus de temps. Il semblerait que la tendance doive se maintenir. De toute façon les deux Christian peuvent parler aussi bien que moi, au moins, de poésie (Girard) ou de littérature policière (Vachon); ceci sans compter l'histoire, les essais, la littérature (américaine, par exemple) et bien d'autres choses.


Côté jardin, je pense finir enfin mon recueil de poésie cet automne. Il est vrai que j'aimerais en faire un CD; il me semble que la poésie est faite pour être dite, entendue (c'est de la musique après tout). Ensuite, j'entreprendrai l'écriture de mon polar (où la poésie occupe une assez bonne place), mais là, j'aime mieux ne pas me donner d'agenda trop précis. À moins que ne trouve d'autres activités pour m'en détourner: des cours de cuisine? une chorale? la culture de bonzaïs? un abonnement chez Curves?




Quelque part dans son œuvre ou en entrevue, je ne sais plus où, Paul Auster a dit que s’il était devenu écrivain, c’est parce qu’il ne savait faire rien d’autre. Je ne sais pas pour mes distingués collègues, mais ce «théorème d’Auster» pourrait bien être la clé qui expliquerait ma vocation.







(*) Merci, Christian Girard.



samedi 5 septembre 2009

Petites vites

Avec le retour de Samuel et d'Anne-Marie (dans une couple de jours), la saison 2009 des vacances de vos libraires est terminée. Enfin presque: il reste à Christian V une semaine, qu'il prend pour aller au football, à moins que ce ne soit le cerf de virginie.

Nous avons reçu le nouveau livre de Carlos Ruiz Zafón. «Oui», pourra-t-on enfin répondre à la question: le gars qui a écrit L'Ombre du vent a-t-il écrit un autre livre?

La sortie du film Shutter Island, adaptation par Scorsese du roman de Dennis Lehane, a été retardée. Les raisons en semblent nébuleuses, mais il se retire ainsi de la course aux Oscars; il doit pas être si bon. Je vais être pris pour lire le livre...

On dirait qu'il y a déjà une mini rentrée poésie québécoise. Dans les derniers dix douze jours au moins deux titres sont parus chez les éditeurs suivants: Le Noroît, Écrits des Forges, Trois-Pistoles et Cornac. Étonnant, non?

Dans le numéro spécial POLAR du Magazine littéraire il y a un petit guide des 50 auteurs indispensables, genre. Ce serait cool (d'avoir un bracelet en cuir et) de choisir 50 autres auteurs pour faire une liste de 100. J'ai commencé: Robert Littell, Herbert Lieberman, James Swain, Joe R. Lansdale, David Peace, Don Winslow, C.J. Box...

J'aimerais publier bientôt ici une série de portraits de libraires. Pour convaincre mes collègues de se laisser portraitiser, j'ai pensé faire mon autoportrait d'abord. C'est un exercice assez déstabilisant. Affaire à suivre.

Le blues du libraire c'est un polar de Lawrence Block. C'est aussi un nouveau blog de libraires amateurs de polar. On est en train de le construire: lebluesdulibraire.blogspot.com

2012: c'est approximativement le nombre de livres qui sont parus sur ce sujet.


La loi de Murphy en librairie. Le Why Café était demandé sans bon sens quand il était manquant; personne ne me l'a demandé depuis qu'on l'a reçu. Why? (Comme dans «pourquoi certains ont-ils besoin d'un livre cheap recensé à TVA pour réfléchir sur la vie?» Pourquoi pas La peste, L'invention de la solitude, Quelqu'un d'autre, ou même Comment je suis devenu stupide? Nommez votre titre.)

Je boude un peu les éditions du Seuil. À cause? James Swain. Ils ont publié les deux premiers titres de la série Tony Valentine. D'accord, ça ne révolutionne pas le genre (qui le fait?). Mais c'est efficace, drôle, crédible. Honnête. Puis le portrait «par en-dessous» du milieu des casinos, par un bonhomme qui connait son sujet, est de la sorte croustillante. Il y a huit tomes des aventures de Tony Valentine. Le Seuil a traduit le premier en 2005, le deuxième l'année suivante. Depuis, rien. :-(

Si vous vous intéressez au livre électronique, aux nouvelles technologies du livre, suivez le blog de mon collègue Mathieu Plasse. Il y collecte les infos et nouvelles sur le sujet. C'est par ici.

Je voulais m'acheter un livre de Freud, mais j'avais pas d'argent surmoi.

Pouvez-vous trouver sans google de quel livre voici la première phrase: «Tous les enfants, hormis un seul, grandissent.»?

mardi 1 septembre 2009

Accroc du shipping et boule à l’estomac.




Geneviève D’Amours a remporté le trophée Todd. Vous ne connaissez pas le trophée Todd? Normal. Vous le connaissez? Je serais vous, je m’en inquièterais.
Le Trophée Todd était l’objet d’une gageure entre moi et Geneviève et quand elle m’a dit : «j’ai gagné Todd», je confesse que j’avais complètement oublié ladite gageure. C’était le premier qui partait de la librairie qui l’emportait avec lui. Avec elle, plutôt. En y repensant (je m’en rappelle de moins en moins vaguement), il est curieux que j’aie accepté de gager là-dessus. Je ne suis pas aux études, moi. Je n’ai pas vingt quelques années, moi (je me rasais déjà dans les années quatre-vingt, et je déménageais, changeais de boulot très souvent). Je ne cherche pas de job, moi (j’en ai déjà un et c’est la seule chose que je sache faire et qui paie, même un peu). (Par contre, j’aime bien utiliser les italiques, moi.) Donc, c’était une gageure perdue d’avance.
Bon, de toute façon elle le méritait.

Todd est un symbole, un rocher de Sisyphe en papier autocollant, une ode à l’Éternel retour, une représentation post-moderne de la quotidienneté. Todd est une boule d’étiquettes.
L’une des tâches de Geneviève est l’emballage des expéditions, dont les retours. Mais avant de retourner les livres, il faut, bien sûr, enlever les étiquettes. Les jeter. (Peut-être cela se recycle-t-il? Si quelqu’un le sait, ses commentaires sont bienvenus.) En général, la personne qui enlève les étiquettes en met quelques unes à la fois à la poubelle, chacun sa méthode (on l’a tous fait à un moment où un autre). Moi, je les colle toutes ensemble jusqu’à la fin (de la job d’emballage, du quart de travail, du monde). Parce que j’aime bien voir quelle quantité ça fait. Parce que j’aime m’amuser avec la matière, je dois être un genre de frustré de la plasticine. Ce n’est pas plus long placer les étiquettes les unes par-dessus les autres et tout jeter à la fin. Moins long, probablement. (Si quelqu’un a des statistiques précises sur le sujet, ses commentaires sont bienvenus.)
Mais pourquoi jeter? C’est ainsi qu’un jour de désœuvrement artistique et de décollage d’étiquettes j’eus cette révélation : et si on la gardait (la boule d’étiquette)? Vous savez, juste pour le fun. Ici il y a tout un chapitre de la préhistoire de Todd qui raconte les collègues pas très allumés par l’idée, ceux qui ne gardent rien et jettent tout ce qui dépasse, en un mot, ceux qui ne comprenaient pas ma démarche. Mais une fois expliquée, la démarche, c’est les ennuis techniques qui arrivent. Un boule d’étiquettes peine à garder son identité, tend à se détacher en morceaux, qui ne sont déjà plus elle. L’objet refuse d’incarner le concept, quoi.
Mais la troisième ou quatrième tentative a fonctionné, plus ou moins. Elle s’appelait Edna. Je ne me rappelle plus pourquoi, mais c’est à peu près à l’époque où Geneviève a commencé à se charger le plus souvent des emballages. (Fait surprenant, bien que nous ayons soigneusement rangé Edna après chaque «utilisation», Edna a disparu. On la reverra peut-être dans un épisode d’un nième remake de Au-delà du réel.)
Edna n’était pas la quintessence de la boule d’étiquettes. Todd était, est toujours, la quintessence de la boule d’étiquettes. Je ne révèlerai pas ici le secret de fabrication de Todd (qui, bien prononcé, est le diminutif de «tas d’étiquettes»). Nous ne sommes que deux à le connaître; on pourrait peut-être le faire breveter (si quelqu’un peut nous renseigner à ce sujet, ses commentaires sont bienvenus). Mais Todd partira avec Geneviève.
Elle va me manquer. Oui, la boule d’étiquettes, mais, surtout, Geneviève. Ce n’est pas à Todd que je faisais toujours les mêmes jeux de mots sur la bourre, et qui les riait tout le temps. (Il n’y a rien d’obscène là, par bourre je parle bien sûr du papier qu'on récupère et grâce auquel on protège les livres qu’on expédie tout en mettant une tite crème sur notre sentiment de culpabilité écologique.)
Ce soir la bourre est dans tes yeux.
La bourre dure trois ans.
La bourre au temps du choléra.
Plus trois ou quatre autres jeux de mots, et presque aussi élevés. Avec toujours ce grand rire spontané qui nous manquera tous. Bonne humeur, gentillesse, chansons quétaines et érudition en matière de cheveux ne sont que quelques autres des choses qui nous manqueront.
Mais j’ai trouvé un moyen pour mettre aussi une tite crème sur notre tristesse (elle part de la librairie et de Québec.) J’ai décidé d’appeler la prochaine boule d’étiquettes Geneviève, en souvenir.
Ça doit être une sorte de transfert, genre.
(Si quelqu’un connaît le terme exact, ses commentaires sont bienvenus).
Reçus récemment à la librairie Pantoute:
*Patrick Sénécal, Hell.com
* R.J. Ellory, Vendetta
* Victor-Lévy Beaulieu, Bibi