mardi 1 septembre 2009

Accroc du shipping et boule à l’estomac.




Geneviève D’Amours a remporté le trophée Todd. Vous ne connaissez pas le trophée Todd? Normal. Vous le connaissez? Je serais vous, je m’en inquièterais.
Le Trophée Todd était l’objet d’une gageure entre moi et Geneviève et quand elle m’a dit : «j’ai gagné Todd», je confesse que j’avais complètement oublié ladite gageure. C’était le premier qui partait de la librairie qui l’emportait avec lui. Avec elle, plutôt. En y repensant (je m’en rappelle de moins en moins vaguement), il est curieux que j’aie accepté de gager là-dessus. Je ne suis pas aux études, moi. Je n’ai pas vingt quelques années, moi (je me rasais déjà dans les années quatre-vingt, et je déménageais, changeais de boulot très souvent). Je ne cherche pas de job, moi (j’en ai déjà un et c’est la seule chose que je sache faire et qui paie, même un peu). (Par contre, j’aime bien utiliser les italiques, moi.) Donc, c’était une gageure perdue d’avance.
Bon, de toute façon elle le méritait.

Todd est un symbole, un rocher de Sisyphe en papier autocollant, une ode à l’Éternel retour, une représentation post-moderne de la quotidienneté. Todd est une boule d’étiquettes.
L’une des tâches de Geneviève est l’emballage des expéditions, dont les retours. Mais avant de retourner les livres, il faut, bien sûr, enlever les étiquettes. Les jeter. (Peut-être cela se recycle-t-il? Si quelqu’un le sait, ses commentaires sont bienvenus.) En général, la personne qui enlève les étiquettes en met quelques unes à la fois à la poubelle, chacun sa méthode (on l’a tous fait à un moment où un autre). Moi, je les colle toutes ensemble jusqu’à la fin (de la job d’emballage, du quart de travail, du monde). Parce que j’aime bien voir quelle quantité ça fait. Parce que j’aime m’amuser avec la matière, je dois être un genre de frustré de la plasticine. Ce n’est pas plus long placer les étiquettes les unes par-dessus les autres et tout jeter à la fin. Moins long, probablement. (Si quelqu’un a des statistiques précises sur le sujet, ses commentaires sont bienvenus.)
Mais pourquoi jeter? C’est ainsi qu’un jour de désœuvrement artistique et de décollage d’étiquettes j’eus cette révélation : et si on la gardait (la boule d’étiquette)? Vous savez, juste pour le fun. Ici il y a tout un chapitre de la préhistoire de Todd qui raconte les collègues pas très allumés par l’idée, ceux qui ne gardent rien et jettent tout ce qui dépasse, en un mot, ceux qui ne comprenaient pas ma démarche. Mais une fois expliquée, la démarche, c’est les ennuis techniques qui arrivent. Un boule d’étiquettes peine à garder son identité, tend à se détacher en morceaux, qui ne sont déjà plus elle. L’objet refuse d’incarner le concept, quoi.
Mais la troisième ou quatrième tentative a fonctionné, plus ou moins. Elle s’appelait Edna. Je ne me rappelle plus pourquoi, mais c’est à peu près à l’époque où Geneviève a commencé à se charger le plus souvent des emballages. (Fait surprenant, bien que nous ayons soigneusement rangé Edna après chaque «utilisation», Edna a disparu. On la reverra peut-être dans un épisode d’un nième remake de Au-delà du réel.)
Edna n’était pas la quintessence de la boule d’étiquettes. Todd était, est toujours, la quintessence de la boule d’étiquettes. Je ne révèlerai pas ici le secret de fabrication de Todd (qui, bien prononcé, est le diminutif de «tas d’étiquettes»). Nous ne sommes que deux à le connaître; on pourrait peut-être le faire breveter (si quelqu’un peut nous renseigner à ce sujet, ses commentaires sont bienvenus). Mais Todd partira avec Geneviève.
Elle va me manquer. Oui, la boule d’étiquettes, mais, surtout, Geneviève. Ce n’est pas à Todd que je faisais toujours les mêmes jeux de mots sur la bourre, et qui les riait tout le temps. (Il n’y a rien d’obscène là, par bourre je parle bien sûr du papier qu'on récupère et grâce auquel on protège les livres qu’on expédie tout en mettant une tite crème sur notre sentiment de culpabilité écologique.)
Ce soir la bourre est dans tes yeux.
La bourre dure trois ans.
La bourre au temps du choléra.
Plus trois ou quatre autres jeux de mots, et presque aussi élevés. Avec toujours ce grand rire spontané qui nous manquera tous. Bonne humeur, gentillesse, chansons quétaines et érudition en matière de cheveux ne sont que quelques autres des choses qui nous manqueront.
Mais j’ai trouvé un moyen pour mettre aussi une tite crème sur notre tristesse (elle part de la librairie et de Québec.) J’ai décidé d’appeler la prochaine boule d’étiquettes Geneviève, en souvenir.
Ça doit être une sorte de transfert, genre.
(Si quelqu’un connaît le terme exact, ses commentaires sont bienvenus).
Reçus récemment à la librairie Pantoute:
*Patrick Sénécal, Hell.com
* R.J. Ellory, Vendetta
* Victor-Lévy Beaulieu, Bibi

2 commentaires:

  1. C'est vrai qu'elle nous manquera Geneviève. Gentille, efficace, multifonctionnelle et volontaire Claire la pleure déjà. Je suis sure qu'elle réussira dans son projet de coiffer dans le milieu théâtral de montréal.
    Denis LeBrubn

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  2. Merci!

    Ça me touche beaucoup... C'est dûr de quitter un endroit qu'on aime, avec des gens qu'on aime, même si c'est pour faire une chose dont on a envie.

    Vous allez me manquer beaucoup!

    Gedam XXXXXXXXXXXXXXXXXXXXX

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