mardi 15 septembre 2009

Livraisons et sentiments


«C'est quand qu'on va où?» — Renaud

L’un des mystères les plus poignants du monde du livre, du monde tout court même, est la date de sortie des livres. Une partie non négligeable de notre temps de travail est consacrée à répondre à cette question : quand est-ce qu’il sort le livre de Untel? La réponse est facile : on n’en sait trop rien. Aucune idée. Chépas. Dis-moi-le, m’en vas te le dire.

Comment ça se fait, se peut-il? Même réponse, à peu près. Dans le «comment ça se passe au juste», je commencerai par les exceptions. Parfois, rarement, on sait quand sort un livre. On connaît la date précise, longtemps d’avance. Pour un nouveau tome d’Harry Potter, par exemple.
Mais où vous en allez-vous donc? Je n’ai pas dit qu’il allait y avoir un nouveau H.P., c’était juste un exemple, c’est pour montrer la rareté de.
Sinon, il y a bien sûr moyen de savoir, plus ou moins. Plus ou moins moyen, de savoir plus ou moins. Chez le distributeur, quelque part dans le ventre d'une bête à puces, il y a la date de sortie d’un livre. Autrefois, on pouvait téléphoner (on peut sans doute encore, il y a longtemps que je n’ai pas essayé); de nos jours, on peut aller voir sur le site internet. Mais là, problème : certains distributeurs ne mettent pas leur base de données à jour très souvent. Je ne leur en fait pas le reproche; l’informatique étant un monstre imprévisible qui se nourrit de son propre cadavre, tout arrive toujours trop vite. Une base de donnée ne tombe pas du grand bleu; la mettre à jour constamment c’est long, c’est compliqué, c’est cher. Mais nous, libraires, on dépend de. Début juillet, par exemple, L’Élégance du hérisson était annoncé sur le site du distributeur comme «à paraître le 25 juin». Voilà un bel exemple d’une base de données qui n’est que mollement utile.
Même quand elle est mise à jour, l’information reste au mieux suspecte. Quelle est cette date, au juste? Celle de la facture? Donc, comptons un jour ou deux de plus pour que la boîte arrive chez le libraire.
Il y a bien un «catalogue» électronique, j’ai nommé Memento. Un site internet pour les libraires qui nous donne presque tous les livres disponibles, à paraître, et plusieurs épuisés. Mais ses infos viennent pour la plupart des distributeurs… Parfois vous avez la date européenne au catalogue, parfois la date canadienne. Un beau ragoût de flou et de confusion.
Il y a aussi les distributeurs qui n'envoient pas les nouveautés partout en même temps. Je ne résiste pas à l'envie d'en nommer un: Messageries de Presses Benjamin.
Quant à l’heure d’arrivée… ce n’est pas juste pour finasser que j’en parle. Imaginez un lecteur, un client, impatient de recevoir le prochain Anne Robillard. On lui dit qu’il sort le 15 octobre, disons. Ça veut dire qu’il débarque du camion ce jour-là. (Le livre, pas le client.) Mais qui connaît le trajet du livreur? Et s’il arrive à 15 heures, qui dit qu’on aura le temps de placer le Anne Robillard ce jour-là? Trop souvent trois quatre envois d’office (les nouveautés) soient livrés le même jour. Quelle librairie peut assumer cette avalanche? Au mieux, on mettra quelques heures, une journée pour que tous ces livres se retrouvent à portée de client. Au pire, ça pourrait prendre quelques jours. Alors si le client impatient a un avion à prendre le 15 avec son Chevalier d'émeraude tome n, et bien c'est patate.

Si je ne me trompe pas, c’est différent dans le monde du disque et du DVD. C'est moi, ou tout sort le mardi? Je crois même que si vous allez le mardi, à l’ouverture, chez un disquaire, vous trouverez plusieurs des nouveautés du jour bien placées, ou en voie de l'être. Mais, toujours si mes informations sont exactes, les CD et DVD sont parvenus chez le disquaire deux trois jours avant, pour lui donner le temps de se virer de bord. Créer la fiche informatique, faire la réception d'inventaire, toutes ces sortes de choses. Cela arrive aussi en librairie, mais pas très souvent. Quand il y a un nouveau Harry Potter, par exemple.

Ce n’est pas le problème du siècle, sans doute; toutefois, trop souvent cette situation nous fait mal paraître. Ce n'est pas drôle d'avoir toujours l'impression d'être le dernier à savoir, genre «cocu du village».

2 commentaires:

  1. A Paris et à Nancy il y a les livraisons de nuit, qui permettent au libraire de trouver les cartons à l'ouverture de la lib et de s'organiser pour la réception. Livré dans la nuit au lieu de "je sais pas quand dans la journéeça va dépendre du trafic, du chauffeur/livreur et de la tournée". Ce sont les mêmes cartons, pas de retard.

    RépondreSupprimer
  2. J'ai rien lu encore mais j'adoooooooore le titre!!!

    RépondreSupprimer