mardi 23 juin 2009

La preuve de l'été

Il est certain esprits chagrins pour douter de l’été. «Il a fait beau cet été», diront ces météorologiquement pessimistes, «mais je travaillais ce jour-là.» Quand ils ne chanteront pas avec Dutronc les paroles de Fred(*): «le fond de l’air est frais / Laïho, Laïho ! / Il n'y a plus d'saison / Laïho, Laïho !».
Mais je vous le dis (vous le saurez pour plus tard): l’été existe; l’été, au moment où je pitonne ces lignes, est présent.
Ma meilleure preuve, c’est les boîtes. Si j’en crois mes souvenirs de libraire-ailleurs-que-chez-Pantoute, l’été est une période morte. L’automne est bien plus hot, et à mesure que Noël approche, la librairie se réchauffe. En été, si votre librairie est près d’un cinéma, vous aurez la visite de quelques clients en avance sur l’horaire, venus siphonner un peu de votre air climatisé. Donc, peu de ventes en été. Peu de commandes, peu de stockage. Peu de réceptions à faire. («Le backstore est vide: tiens je savais pas qu’il était gris, ce plancher...» ) On fait du ménage! («Atchoub! la section poésie est époussetée!») Les clients, de toute façon, sont partis, non? (Mais ? Voilà toute la question.)

Mais dans les quartiers moins touristiquement suspects (dont, au hasard, le Vieux-Québec où j’exerce), c’est un peu, beaucoup, le contraire. Tous ces gens partis en vacances, c’est ici qu’ils sont venus. Voir le Vieux-Québec, je suppose. (Ils ont raison: c’est beau, le Vieux-Québec, et en plus c’est conçu pour eux, touristes. Je ne suis pas à l’étape de m’en plaindre, je constate.) Alors ils en profitent pour ramasser un ou trois formats poche pour relaxer, lire en avion, ou à l'hôtel, ou de retour chez eux. (Les touristes français, eux, ont soigneusement atteint à l’aller la limite de poids permise pour leur bagages; ce qui fait qu’ils ont de la place, au retour, pour seulement un ou deux petits livres de poche bien «typiques».)
Mais je m’éloigne, en essayant d’y revenir: les boîtes. Des livres de poches de toutes sortes (beaucoup de littérature populaire, du polar, les rééditions petit format des best sellers grand format de l’année passée, des «classiques de libraires» tels que Les piliers de la terre ou Saga, etc. Surtout des etc.) Des livres sur Québec. Essais, guides de voyage, livres de photo: on pourrait remplir la librairie avec juste des livres sur la ville. Depuis le 400e, ça nous prendrait deux librairies.
Alors l’entrepôt se remplit: des mises en place BQ, folio, livre de poche, (trois petits) points... L’entrepôt devient une sorte d’entonnoir. Sauf que. Un entonnoir avec deux gros bouts.
Bref, peu importe le soleil ou la pluie, les bermudas ou les imperméables: l’entrepôt est plein, et c’est pas Noël, donc c’est l’été.

Plus scientifiquement, c’est l’été parce que les journées sont longues. À dix heures le soir, dans le Vieux-Québec, il faut souvent rappeler amicalement aux clients que ce serait le temps de songer à partir. (Oups! ai-je dit «mettre à la porte»?)

(*) Fredéric Othon Theodore Aristidès, «Fred», créateur de Philémon.

3 commentaires:

  1. Mon cher Stéphane,

    Voici un blog qui me fait bien sourire. Ah, les souvenirs d'entrepôts, de mises en place, des "où est-ce qu'on va bien pouvoir mettre tout ça !", des vite, vite, c'est bientôt l'inventaire, on fait des retours !!! Des heures de plaisir à faire des études sociologiques sur les différentes clientèles, à chialer sur les livres "typiques"... Hé hé... C'est avec joie que je viendrai te lire régulièrement, mon cher !

    Pascale

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  2. Moi J'aimais surtout les ouvrir,les boites . Je sautais littéralement dessus pour voir les nouveautés quelles contenaient, même s'il fallait que j'en fasse la réception par la suite. Encore maintenant au journal Le libraire, je furète constammement dans le coin d'Hélène qui me surveille d'oeil. Mais bon je suis un dinosaure du métier... et la Librairie Pantoute de 1980 n'est pas celle de 2008. On avait même le temps de lire des fois!
    Denis

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  3. J'espère être moins anonyme!

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